AZALÉE
Je me suis levée et je lui ai attrapé le bras comme il m'avait fait une heure plus tôt.
- Je n'aurais pas dû te donner un coup. Je suis vraiment désolée. Si je peux faire quoi que ce soit pour que tu me pardonnes, dis-le-moi.
Je venais de me rendre compte que je disais vraiment des choses que je n'aurais jamais dis avant. J'avais juste envie de partir de la pièce. J'étais sûrement extrêmement gênante.
- Reine de la brigade anti-foot, je ne suis pas fâchée. C'est ton caractère. Et puis tu étais énervée. Mais ce n'est pas grave si tu ne me dis pas pourquoi.
- Ce serait trop long à expliquer. Ai-je répondu, sincèrement.
Comment expliquer à quelqu'un qu'on est le genre de personne étrange, schizophrène, qui déteste les humains et qui pensent souvent, même trop souvent, à la mort ? Je ne voulais pas qu'il arrête de me parler à cause de cela.
- Ouais. Attends-moi au portail, on rentre ensemble.
- Oui, comme tous les jours.
- Faut que je te dise quelque chose, donc non ce n'est pas comme tous les jours. A-t-il répondu avant de partir.
Je suis restée quelques minutes dans la salle d'attente à me demander ce qu'il voudrait me dire. Je ne voyais que le bon vieux « désolé mais tu es insupportable, ne viens plus jamais me parler ». Je n'ai pas pleuré. Mais j'ai bien regretté le coup. Je n'aurais pas dû m'énerver.
Je me suis demandée ce que serait ma vie si je n'avais pas ce caractère, si les gens m'aimaient au lieu de me supporter. Ou même si les gens voyaient le monde comme moi je le voyais, ce dernier changerait forcément. Mais ce n'était pas la réalité.
Je suis partie de la salle une fois que l'infirmière soit sortie et m'ait demandé ce que j'avais. Je lui ai répondu que j'attendais juste quelqu'un et je suis vite retournée dans la cour.
Il me restait une chose à faire. La chose qui avait crée cette dispute, ce matin. Je devais parler à Adelyne et Alyssia. J'en avais plus que marre de jouer les hypocrites avec elles. Samuel m'avait ouvert les yeux, je ne devrais pas rester avec des gens que je n'aime pas.
En arrivant vers elles dans la cour du lycée, j'ai remarqué qu'Adelyne m'avait lancé un regard glacial. J'avais juste envie de rire car elle était bien ridicule. Elle faisait ce regard tellement souvent que c'était devenu comique. Rémy et Julien n'étaient pas là. Autant pour moi.
- Les filles, pourquoi vous me coller en fait ? Ai-je lancé.
Je n'aurais peut-être pas dû commencer par là.
- Mais c'est toi qui nous colle. Est-intervenu Adelyne en passant sa main dans ses cheveux noirs.
J'espérais que ce soit une blague ou je ne sais quoi. Mais cette fille avait l'air sincère. Je ne les collais pas. C'était plutôt le contraire. Elles ont passé leurs années de lycée à rester avec moi tout le temps alors que je leur faisais bien comprendre que je n'en avais rien à faire.
- Je crois que tu t'es trompée de personne.
- Tu es pénible, vraiment.
- Comment je pourrais être pénible alors que je ne vous parle jamais ?
- C'est bon. A réagit Alyssia qui nous écoutait depuis le début. Adelyne, tu exagères. Azalée ne vient jamais nous parler car elle n'en a rien faire de nous. Elle ne pense qu'à sa gueule. J'ai déjà essayé de l'aider mais elle a un problème.
Cette personne osait dire que j'étais sa meilleure amie. Je me suis mise à sourire. Qu'est-ce que les gens peuvent être hypocrites entre eux. Je ne suis pas la pire des hypocrites, loin de là. C'était bien pour cela que je ne m'attachais rarement. Nous sommes trop souvent déçus des autres lorsqu'on les aime. Alors rester seule et n'apprécier personne est un avantage, un atout contre les personnes fragiles qui s'attachent à tout ce qui bouge.
- Très bien. Ouais je m'en fous de vous. Ai-je dis en commençant à partir.
- Ne reviens pas, salope ! A crié Adelyne avant de se mettre à rire avec Alyssia.
Je ne me suis pas retournée. J'ai juste fais un doigt d'honneur bien visible pour les deux filles. Je devais faire mon propre chemin. Je n'avais pas besoin de rester avec des gens que je n'appréciais pas. Je remerciais Samuel de m'avoir ouvert les yeux.
***
Le reste de la journée est passé rapidement. Je n'ai pas revu Samuel avant de sortir du lycée. Il m'attendait, dos au mur près du parking. Il s'est immédiatement redressé en me voyant arriver, passant sa main dans ses cheveux bouclés.
- Salut. A-t-il dit en se rapprochant de moi, tenant maintenant les bretelles de son sac à dos.
- Ouais, salut.
Nous nous sommes mis à marcher pendant quelques minutes où tout était calme. J'étais un peu gênée de ce silence. Mais je ne savais pas quoi dire. Je n'ai jamais été douée pour la conversation et je voyais bien que Samuel ne faisait actuellement aucun effort.
Après, me direz-vous, on n'a pas à faire d'effort pour s'entendre avec quelqu'un.
- Si c'est à propos de ce qu'il s'est passé... Ai-je commencé.
- Non ce n'est pas ça. M'a-t-il coupée.
Je ne voulais pas encore lui dire que je voulais juste parler aux filles ce matin, que cette petite chose avait crée une dispute dans tout le réfectoire et trois heures de colles.
- Alors, c'est par rapport à quoi ?
- J'suis un peu con.
- Non, non. Pourquoi tu dis ça ? Ai-je posé comme question une énième fois.
- J'aurais juste dû te le dire plus tôt.
Je ne savais pas du tout de quoi il me parlait. J'ai insisté pour avoir des informations. Mais vu sa réaction, cela ne me plaira pas.
- Je ne me fâcherais pas. Ai-je menti.
Me connaissant, je savais bien que je me fâcherai. Je suis née avec un caractère de merde. Mais le fait de mentir ne me faisait rien. J'avais plutôt peur de ce qu'il comptait me dire. Etant une personne plutôt imaginative, j'avais des millions de scénarios possibles en tête. J'essayerai de ne pas me fâcher.
- On a des soucis d'argents. Tu sais, je ne vis qu'avec mon père. Et il a été viré de son dernier emploi. En réalité, il y a eu un deuxième problème dans le gymnase il y a quelques temps. Ces supérieurs ont donc décrété qu'il ne faisait pas bien son travail. Donc, le temps qu'il trouve un nouveau travail, je vais habiter chez ma mère, avec lui.
C'était ma faute.
Je ne savais pas que ses parents étaient séparés. Je n'étais jamais allée chez lui. Et il ne m'en avait jamais parlé. Je n'ai rien dis et je l'ai laissé continuer à parler en l'écoutant attentivement.
- C'est l'histoire de quelques temps. Je n'en sais rien à vrai dire. C'est vrai quoi, je suis qu'un gamin. Mais je reviendrais.
C'était ma faute.
- D'accord. Ai-je répondu, doucement.
C'était ma faute.
Je ne savais pas comment réagir. Je n'avais pas l'habitude de ressentir quelque chose lorsque quelqu'un me parle. Habituellement, quand quelqu'un me dit qu'il va déménager, je n'en ai rien à faire.
Cette fois-ci, c'était différent.
- Samuel, je sais que c'est en partie à cause de la phase de destruction du football.
- Il n'y a pas que ça. Mais je ne vais pas te mentir, c'est cela qui a commencé à lui causer des problèmes.
- Je suis vraiment désolée.
- Pourquoi ? C'est ma faute. C'est moi qui t'es proposé cela. Et puis, je ne regrette rien. C'était vraiment génial.
- Tu as raison.
- Je reviendrais, Azalée. Pour toutes les autres phases de destruction. Tu verras, nous allons détruire ce sport de toutous.
Pour l'une des premières fois dans ma vie, j'ai eu un ami. Je ne parle pas d'un «pote » avec qui tu discutes pour passer le temps. Je parle d'un ami à qui tu peux te confier. Et je pensais vraiment pouvoir lui accorder ma confiance. Je ne me reconnaissais à peine. Parfois, on dit que le changement est bien.
- Promis ? Ai-je demandé.
- Oui. Je t'appellerai de toute façon. Ce n'est qu'à une heure d'ici en voiture.
- Essaye de ne pas te perdre. Ai-je dis en repensant à la soirée où il avait dû m'appeler pour retrouver son chemin.
Nous avons continué à parler furtivement du déménagement, mais j'ai vite éloigné le sujet. Je ne voulais pas parler de quelque chose qui me faisait du mal. Oui, cela devait être la première fois de ma vie que j'étais triste à l'idée de perdre quelqu'un.
Quelques minutes plus tard, nous sommes passés devant chez lui. Il a sorti ses clefs de sa poche. Il s'est tourné vers moi. Je lui ai souri. Il a fait de même. Je voulais que ce moment dure une éternité. Mais c'était impossible. Il est parti une fois m'avoir dit qu'on se reverrait encore jusqu'à la fin de la semaine.
Nous étions jeudi. Le jeudi 3 mai.
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