Chapitre 6

Elle leva la tête pour faire face au capitaine du bâtiment, leur yeux l'un dans l'autre. Alexandre ne quitta pas le regard de la noble. Étrangement la couleur qu'ils arboraient lui rappelait le bleu de l'océan, un beau bleu profond dans lequel il n'avait pas peur de plonger. Il n'y voyait en aucun cas ce rouge des monstres nobles dont il avait l'habitude. Mais Black ne changea pas d'avis pour autant. Se levant, il ne lâcha pas son regard.

- Vous ne pouvez pas rester ici, en tout cas pas caché sous cet escalier.

Voyant qu'elle ne bougeait pas et qu'aucune réaction ne vint à son visage, il continua.

- Vous dérangez mon équipage.

- C'est vous qui avez décidé cela... murmura-t-elle.

- Je n'aurais peut-être pas dû.

Elle eut un léger mouvement de recul. Même si elle n'aimait guère les pirates et cet homme, elle lui était reconnaissante de l'avoir prit sur son bâtiment. Reconnaissante de l'avoir enlevé des horribles mains d'Edward Meyer ; qui allait sûrement la tuer ou s'amuser d'une quelconque façon avec elle.

Marie se leva, réalisant la distance qui la séparait de l'homme. Que ce soit par leur différence, noble et pirate, mais aussi par la taille et corpulence. Il la surplombait facilement d'une tête, des épaules carrés et fortes. L'homme n'était donc pas le genre de personne à qui elle devait chercher les problèmes. Le pirate écarlate avait le pouvoir même de la tuer en un seul coup, si cela lui chantait. Elle prit pourtant une grande respiration, se détestant déjà de ce qu'elle allait dire.

- Très bien, si je dérange tant que cela, ramenez moi au port.

- Il en est hors de question, rétorqua le capitaine en faisant demi tour pour remonter sur le pont.

- Comment ça ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Vous ne voulez pas de moi ici mais vous ne voulez pas me ramener ?

- Exactement, répondît l'homme en se rapprochant de sa cabine.

Les regards des matelots étaient tous posés sur cette étrange scène qui se produisait devant leur yeux. Ils avaient évidemment déjà vu leur capitaine énervé, mais pas cette de manière. Ce qui leur avait tous offert un rictus amusé. Le grand Black le Sanguinaire était entrain de se « disputer » avec une noble.

- Je suis donc votre prisonnière ? cria-t-elle en essayant de comprendre ce que pensait l'homme.

- Vous êtes totalement libre de partir, les chaloupes sont par là, argua-t-il en montrant des mains le chemin vers les petites barques de bois.

Même si elle savait pertinemment qu'elle pouvait partir, Marie avait peur.

- Je ne survivrais pas... frissonna la noble en se voyant déjà en proie aux vagues se déchaînant sur son petit bateau.

Et puis, seule en mer, où irait-elle ? Comment allait-elle trouver le bon chemin ? La mort était à deux pas si la jeune prenait cette route.

- Alors mourrez, cracha le pirate écarlate en entrant dans ses quartiers.

Elle était surprise de cette réponse qu'elle n'attendait guère, restant plantée comme un piquet en face de la porte sans savoir quoi faire de plus. Les minutes passèrent lentement, Marie devenait de moins en moins à l'aise sur ce pont où l'équipage la dévisageait de temps en temps en essayant de rester discret. En réalité elle sentait chaque regard se poser sur elle, des regards lourd et dérangeant. Pendant ces longues minutes, elle s'était imaginée disparaître, ou même mieux, se réveiller d'un cauchemars dans son lit à la demeure de Gardner.

Un homme s'approcha d'elle d'un pas décidé. Celui-ci avait une jambe de bois lui donnant cette marche boiteuse, son crâne luisait à la lumière du soleil. Il avança de plus en plus. La noble cru qu'il allait en finir avec elle, le cœur battant elle baissa les yeux pour ne pas voir la mort arriver. Mais il ne se passa rien, il avait ouvert la porte de la cabine sans même adresser un seul regard à la jeune. Son cœur fut soulagé et elle relâcha vite la pression, ses jambes faillirent la laisser tomber. Mais heureusement pour elle, Marie tenait la rambarde des marches menant à la barre.

Elle se décida pourtant à ne pas rester debout sans rien faire. Il lui fallait parler à ce « capitaine » et se faire comprendre. Même si durant toute sa vie elle n'avait l'habitude que de se taire et d'écouter sans jamais rien dire.

Marie-Louise ouvrit bruyamment la porte de la cabine du capitaine, sans se soucier de ce qui allait se passer à la suite de cela. À l'intérieur se trouvait les deux hommes. La fenêtre derrière eux offrait un contre jour qui ne laissait paraître presque aucun détail de leur visage. Pourtant, cette lumière blanche sculptait parfaitement le corps du capitaine. Il était encore plus impressionnant qu'elle ne l'avait cru. En plus ce cela, elle vit à sa taille un foulard rouge accroché en ceinture où il avait prit soin d'y ranger son pistolet. Elle gonfla ses poumons et fixait les yeux du capitaine, les deux hommes surpris de sa venue qui était pour le moins... fracassante ?

- Pourquoi m'avoir enlevé du Nightmare ? Qu'est-ce que cela vous apporte-t-il ? commença-t-elle énervée alors qu'ils assimilaient encore son entrée. Vous avez besoin d'or ? Je n'ai rien et vous pouvez le voir. Alors je vous prierai de me ramener sur la terre ferme !

Malgré ce qu'elle s'était imaginée, les mots lui étaient venus instinctivement, presque trop d'ailleurs... elle en avait trop dit et redoutait le moment où il allait lui répondre. Pourtant, la noble garda la tête haute face aux pirates.

Le capitaine écarlate s'éclaircit la gorge plongeant ses yeux dans le bleu profond de la femme. Il fit signe d'un mouvement de main à son compagnon de quitter les lieux, les laissant seuls. Le cœur de Marie battant de plus en plus dans sa poitrine, presque douloureux, une boule au ventre commençait petit à petit à se former en son estomac. L'homme la scrutait du regard, puis souffla lentement en relâchant les muscles de son visage.

- Joli cœur, je n'ai nullement besoin d'argent, comme vous pouvez le voir j'ai déjà assez. Pour l'instant, commença-t-il.

Il avait évidemment fait allusion au coffre volé plus tôt dans la journée. L'homme s'approcha d'elle, tandis que, sur ses gardes, Marie recula de deux pas, leur regard toujours l'un dans celui de l'autre.

- Pourquoi vous ai-je enlevé de ce vieux rafiot ? Eh bien, pourquoi pas ? Il y avait là une jeune noble, face à moi, seule qui plus est, coincée dans ce navire pirate la peur dans ses yeux. Je vous trouve assez impolie pour une petite donzelle riche, argua-t-il.

Malgré cette explication, il savait que son interlocutrice cherchait une réponse précise, sans même réfléchir il continua.

- Une servante sur le navire était une bonne option.

Il n'avait en aucun cas pensé à cela en récupérant la noble. Après tout, qui voudrait d'un riche qui ne sait rien faire de lui même ? Mieux valait s'en occuper seul. Mais, il scrutait les yeux bleus de la femme en cherchant une quelconque réaction, un brin de tristesse vint assombrir ses pupilles mais elle ne rajouta rien.

- Maintenant je vous prierai de quitter mes appartements, intervient-il en détournant le regard, sa main droite posée sur sa nuque.

- Puis-je au moins savoir qui est en face de moi ? demanda-t-elle avec une voix étrangement douce, ce qui avait surpris l'homme.

- Je suis le capitaine du Red Edan ma jolie, Black le Sanguinaire.

- Vous comptez me tuer ?

En réalité, cette question lui avait échappée des lèvres, les yeux maintenant dans le vide face à elle. Marie venait de se rendre compte que toutes ces histoires effrayantes sur les forbans sans cœurs dont on lui parlait étaient bien réelles. Elle se demandait ce qu'elle allait devenir. Le capitaine resta pourtant impassible face à la demande. Mais après une minutes de silence, il se baissa face à elle, leurs visages étaient presque collé l'un l'autre. Leurs nez à seulement quelques centimètres.

- J'ai dit que j'avais besoin d'une servante, pas d'un corps mort et inutile. Si j'avais envie de vous tuer, fit-il en attrapant son pistolet à sa ceinture et en le pointant sur la tempe de Marie.

Son cœur s'arrêta, allait-elle mourir ? Maintenant ? Ici ? Elle ne le voulait pas. Trop prise par la peur des larmes virent monter jusqu'à ses yeux, risquant de tomber à tout moment. Elle retenait sa respiration comme si cela avait un impact sur le temps. Et sans crier garde, l'homme appuya sur la détente. Paniqué, Marie détourna le regard, fermant les yeux tellement fort qu'elle en avait mal. Ses jambes lâchèrent et elle tomba à genoux au sol, le corps tremblant.

Mais rien.

- Je l'aurais fait depuis longtemps, finit Alexandre avec un sourire devant le désarroi de sa proie.

Encore sous le choc, elle regardait le sol de bois rougeâtre, les larmes glissant sur ses joues. Son cœur venait de louper un battement. Elle avait cru à la fin. Mais son sang circulait encore dans ses veines. Son cœur battait trop vite pour un mort. Une pression énorme se leva de ses épaules.

L'homme se redressa, son sourire avait disparu. Il la fixait : elle tremblait comme une feuille. Il se dirigea, sans rien ajouter, à son bureau où il prit place sur sa chaise de bois. Sortant un cahier de feuille aux reflets jaunâtres, il posa ses lunettes sur l'arrête de son nez. Une plume dans les mains il commença à y inscrire quelques notes.

Marie-Louise se remettait lentement mais jamais complètement. Elle se tourna son visage trempé vers l'homme pour le regarder, il avait presque oublié son existence. La noble n'osait même plus dire un seul mot. De toute façon, ses cordes vocales ne lui permettaient pas de le faire, bloquées et inutilisables. Mais dans ce silence, dont était prit la pièce, elle découvrit une autre facette de ce pirate écarlate : calme, concentré...

- Joli cœur vous comptez rester plantée ici longtemps ? demanda-t-il sans pour autant lui accorder un regard.

Elle leva ses yeux bleus vers lui, ne sachant quoi répondre. Même si elle n'en avait aucune envie, dehors, se trouvaient tous les matelots effrayants de ce navire. Marie avait peur de sortir de la cabine pour se retrouver nez à nez avec un groupe d'homme qui l'attendait patiemment.

Alexandre, face à cette réponse faite de silence, souffla et posa sa plume pour regarder la femme encore assise au sol, les jambes trop fébriles pour se relever.

- Il y a un lit dans le coin de la pièce, derrière le rideau, intervient-il.

Encore une fois il se détestait d'être aussi gentil et patient avec cette femme. Il ne l'aimait pas et il le savait. Pourtant, une petite voix au fond de lui venait le déranger. Cette voix lui criait de l'aider, qu'elle était trop faible et fatiguée au vue de la taille des cernes dont étaient entourés le bas de ses yeux. Il avait donc accepté de faire une petite exception face à ses sentiments pour faire place à l'homme qui était en lui, qui lui intimait de prendre soin d'elle.

Marie était plus que surprise par cette soudaine gentillesse. Elle n'avait toujours pas confiance en lui. Mais elle savait qu'elle manquait de sommeil. Que ce tourbillon imprévu d'émotion qui venait de jaillir en elle n'avait fait qu'augmenter son niveau de fatigue. La noble ne bougea pas, trop perdue entre ses pensées qui pesaient le pour et le contre.

- Je ne vous ferais aucun mal, sachez-le, reprit-il en attrapant pour la seconde fois sa plume.

Après cela, le calme revint dans la pièce. Seulement la plume grattant le papier se faisait entendre. Marie-Louise resta encore quelques minutes au sol, lui permettant de reprendre quelques forces dans ses jambes et de calmer son cœur qui battait toujours trop vite.

Elle se leva enfin, forçant sur ses muscles pour se redresser. Pendant qu'elle marchait dans la pièce se dirigeant vers le rideau rouge, Marie fixait Black le Sanguinaire, encore trop effrayée qu'il ne lui fasse quelque chose une fois le dos tourné. Après tout, les pirates étaient connus pour celà. Une fois arrivé, elle tira le grand tissus pour y découvrir un lit.

Il ne possédait qu'une place, un beau draps rouge disposé dessus dont la douceur la surprît lorsqu'elle y avait posa sa main. Le matelas était moelleux, tous ses muscles se détendirent. Un petite table de chevet était aussi présente à droite du coussin, où la tête du lit était collée au mur.

La noble s'allongea donc sur ce qu'elle aurait pensé être un nuage. Ayant dormi au sol la nuit dernière, elle se sentait doucement revivre. La tête sur le doux coussin, elle ferma les yeux pour se laisser porter vers un monde plus chaleureux. Sa respiration devenant vite régulière et lente, elle en avait oublié tout ce qui se trouvait autour d'elle. Le calme avait reprit procession de son âme.

Après quelques minutes, il posa enfin sa plume et rangea son petit cahier. Le regard du pirate fut vite porté sur la femme qui dormait paisiblement. Alexandre eut une légère grimace à la vu de celle-ci. Il était bien trop gentil et il le savait. Aucun noble ainsi soit-il ne méritait d'être aussi bien traité.

Il passa outre de cela. Des pensées qui finiraient par le grignoter doucement s'il les acceptait. Le pirate se leva et se dirigea vers le lit où il avança sa main vers le rideau. Apportant un dernier regard sur la femme inconsciente, il tira le tissus rouge pour cacher l'endormie.

Quelqu'un vint le sortir de sa torpeur en toquant à la porte de sa cabine. Il lâcha enfin le rideau pour se diriger vers l'entrée. En ouvrant la porte, Rick se tenait devant lui.

- Pas ici, grogna le pirate écarlate en sortant de la pièce, prenant grand soin de fermer la porte sans un bruit.

Les deux hommes se dirigèrent vers la proue du navire où Alexandre posa ses deux bras sur le bastingage, regardant l'horizon.

- Capitaine, qu'as-tu fait d'elle ? demanda le chauve visiblement intéressé.

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