Chapitre 3

Les soldats avaient passé la journée à courir et à faire des pompes. Ils étaient tous exténués. Et ce n'était que le début. Le capitaine Min a voulut commencer doucement, pour voir un peu le niveau de chacun. Et il avait vu que certains d'entre eux avaient beaucoup de mal. Comme le petit Hua. À la course, il était toujours resté en dernière position, et il n'avait fait que quelques pompes avant de s'écrouler au sol. Le capitaine Min lui donnait une semaine, à tout casser. Ses nouveaux amis aussi avait remarqué ses difficultés. Mais ils n'avaient rien dit. Après tout, ils étaient tous des débutants, et ils étaient là pour apprendre. Chacun avait ses propres faiblesses, on ne pouvait pas être bon partout.

Apres cette dure journée de labeur, les quatre amis s'assirent au sol pour déguster le repas dont ils rêvaient depuis le début d'après-midi. Ils discutèrent à peine, dévorant leurs nems. On entendait plus que le son des baguettes qui s'entrechoquaient contre les plats. Pendant un moment d'inadvertance, les yeux de Jimin se posèrent sur la tente du capitaine. Grâce au soleil, il put voir sa silhouette à travers les tissus. Lui aussi, mangeait. Mais il faisait bande appart. Il n'aimait vraisemblablement pas se mêler aux autres, sauf pour les instruire.

- Vous le connaissez un peu, le capitaine Min ?

- Pas vraiment, répondit Taehyung. Je sais qu'il a terminé premier de sa classe.

- Son père est le général. C'est un très bon ami de l'Empereur. On dit qu'un grand mariage l'attend, au palais, s'il revient du front. Mais la plupart des gens savent que le capitaine sera plus souvent sur les champs de bataille que dans sa maison à roucouler avec sa bien-aimée, expliqua Hoseok en finissant son plat.

- Comment ça ?

- Eh bien, il y a des bruits qui courent comme quoi le capitaine Min serait... agame, compléta Jungkook.

- Ça veut dire quoi, agame ?

- Ça veut dire une personne dépourvu d'organe reproducteur.

Jimin éclata de rire.

- C'est n'importe quoi. C'est impossible.

- Et pourtant, certains l'auraient vu. Il serait donc asexué, et pourrait n'apporter aucun héritage. On s'est beaucoup moqué de lui durant son instruction. C'est pour cela qu'il avait de bonnes notes. C'était une sorte de vengeance sur ses camarades.

La silhouette du capitaine se leva, pour se diriger vers l'autre bout de la tente. Il en sortit pour déposer son bol, puis la seconde d'après, il disparut de nouveau sous les tissus. Jimin trouvait cet homme... intriguant. Oui, c'était le mot. Jamais il ne l'avait vu sourire une seule fois. Il gardait toujours une expression sévère ou ennuyé, les sourcils froncés et les lèvres pincées. Le soldat imaginait que peu de bonheur lui avait été réservé dans sa vie. Pourtant, il en méritait, car il avait beaucoup travaillé jusque là.

- Allez, Ling. Au lit. Demain matin, le réveil va être dur.

Les amis se sont dit bonsoir, avant de rejoindre leurs tentes respectives. Mushu sortit du col de l'imposteur, qui s'allongeait sur le ventre pour lui faire face.

- Il est temps de changer ton pansement.

Le dragon lui arracha le morceau de papier, qui valut une grimace de Jimin. Il avait sentit quelques poils y passer. L'animal posa un pansement tout neuf sur la cicatrice.

- Où trouves-tu tous ces pansements ?

- Je les pique au docteur du camp.

Jimin secoua la tête.

- Mushu...

- Bah quoi ? Personne ne s'en rend compte...

Le jeune soldat s'allongea sur le dos en soupirant. Il avait mal partout.

- Mushu, qu'est-ce qui m'arrivera si on découvre la vérité ?

- Je suppose qu'ils te tueront pour tromperie et abus. Mais je ferais tout pour empêcher ça, ne t'inquiète pas.

- Merci beaucoup, Mushu.

Jimin attendit que le dragon s'endorme, ainsi que le camp entier, pour pouvoir sortir de sa tente. La nuit était noire. Quelques torches accrochées à des poteaux permettaient tout de même de savoir où nous pouvions mettre les pieds, afin que les gardes qui gardaient le camp à l'entrée puissent voir quelque chose. Il y avait des gardes au cas où un messager de l'Empereur viendrait, ou même des éclaireurs des Huns. Jimin traversa le camp et se posta devant le mât qui lui avait causé tant de problèmes ce matin. Il avait l'intention de s'entraîner le soir, caché de tous. Il était bien sûr fatigué mais rien ne l'arrêterait. Levant la tête vers le ciel, il vit la flèche, tout en haut du mât. Dans une malle, les poids étaient toujours là. Jimin se dit que même sans les poids, il était impossible de monter jusque là-haut. Il accrocha les poids à ses poignets, et tenta de monter une premier fois. Les poids ramenèrent son corps vers le sol. Il réessaya une dizaine de fois, mais il arrivait à peine à monter deux mètres. Après un ultime essai, il atterrit allongé sur le sol. Le garçon soupira.

- C'est sans espoir...

- Si tu te tentes de monter de cette façon, oui, en effet.

Jimin sursauta au son de la voix. Il se releva très vite et aperçut son capitaine, l'épaule contre un poteau, les bras croisés. Le soldat se demandait depuis combien de temps il le regardait s'humilier de la sorte.

- Pourquoi fais-tu ça la nuit ? C'est mon cadeau qui te motive ?

- N-Non, mon capitaine, sortit le plus jeune en s'inclinant poliment devant lui.

- Oh je vois, tu veux faire tes preuves...

Jimin ne répondit pas. Il baissa les yeux sur le sol. Il était interdit de regarder ses hyungs dans les yeux, son père lui avait toujours appris.
Il entendit le capitaine se rapprocher de lui, ses pieds frottant l'herbe verte.

- Ce test, je l'avais eu à mon instruction, moi aussi. J'avais été le seul à le réussir. Mais quand je vous regarde tous vous entraîner, j'ai la vague impression que personne ne réussira cette année. Vous êtes tous des gringalets, des femmelettes. 

Le capitaine se rapprocha encore, et Jimin sentit son souffle s'accélérer lorsque l'homme se pencha à son oreille. La tête baissée, il avait une parfaite vue sur son entrejambe. Et cela lui rappela les rumeurs sur son compte. Le blanc sur ses joues fut remplacé par un rouge tomate.

- Rappelle-toi ce que j'ai dit hier, et interprète mes paroles. Il n'y a vraiment pas de secrets, je te le promets.

Jimin ne savait absolument pas de quoi il voulait parler. Il se remémora son discours de la veille, mais aucun indice sur la manière de monter le mât apparut dans son cerveau. Le capitaine recula et se retourna, en chemin pour rejoindre sa tente. Le plus jeune n'osa plus bouger.

- Oh, hé, Hua...

Jimin leva la tête, voyant enfin son visage sous la lueur du feu. Il était particulièrement beau sous cette lumière éphémère.

-...j'aime ta persévérance. Continue comme ça.

~

- Pour faire la guerre, il faut savoir manier les armes. J'appelle cela : "l'art de tuer". Chaque soldat que vous êtes se doit d'être performant à l'un de ces arts. Escrime, tir à l'arc, arts martiaux... A vous de voir lequel est votre meilleur atout.

Jungkook donna un coup de coude à Jimin.

- Tu penses être meilleur à quoi, toi, Ling ?

- Je n'en sais rien du tout, je n'ai jamais expérimenté quoique ce soit.

Les deux garçons ne dirent plus un mot, alors que leur supérieur passait près d'eux.

- Aujourd'hui, nous allons commencer par l'escrime. Ensuite nous pratiquerons le tir à l'arc et enfin les arts martiaux. Bien, allez tous prendre une épée, et que ça saute.

Les hommes se dépêchèrent, ne voulant pas se faire réprimander par leur capitaine. Ils se mirent en ligne et les premiers eurent les meilleurs épées. Jimin, qui fut dans les derniers, constata son arme. Elle était presque en miette. Il croisa alors le regard du capitaine Min. Ce dernier le fixait intensément, et sévèrement. Timidement, "Ling" s'éloigna. Pourquoi cet homme le mettait autant mal à l'aise ?

- Mettez-vous par deux et exercez-vous. Le gagnant de chaque duo aura droit à une ration de plus ce soir.

Hoseok soupira. Cela voulait dire plus de cuisine. Il allait être épuisé, ce soir. Le cuisinier choisit Taehyung comme partenaire. Jungkook se retrouva donc avec Jimin. Le plus jeune se mit en position, prêt à attaquer. Jimin l'imita, un peu maladroitement. Jungkook donna le premier coup. Sursautant, Jimin en lâcha son épée. Il savait d'avance que ce n'était pas lui qui aurait droit à la ration. Ils s'attaquèrent de nouveau, mais Jimin continua de perdre contre son adversaire. L'après-midi ne fut pas plus glorieux. Le jeune soldat n'avait pas réussi à tirer sa flèche, qui tombait sans cesse de son arc avant qu'il ne l'a tire. Quant aux arts martiaux, il était tombé dans les pommes en se prenant un simple coup de poing dans la mâchoire. Lorsqu'ils eurent terminé leur journée, le garçon rejoignit sa tente, exténué. Il se laissa tomber sur le dos, trempé de sueur. Il pensait mourir, là, tout de suite. L'entrée de sa tente bougea, et il découvrit Jungkook entrer à l'intérieur. Jimin se redressa, surpris par cette visite.

- Hoseok donne la ration aux gagnants d'escrime. Taehyung est entrain de l'aider. Et moi, j'attends ma ration.

Jimin ne répondit pas. Il fit un peu de place au garçon, qui s'installa à ses côtés. Le menteur soupira tristement.

- Hey, ça va ?

- Pas vraiment...

Jimin ramena ses genoux à son torse.

- Je suis tellement nul. Je mourrais avant même de poser un pied au front.

- Allons, ça va s'arranger, j'en suis sûr Ling. Nous sommes là que depuis trois jours. C'est normal au début, nous sommes tous débutant. Tu vas devenir plus fort à force d'entraînement.

Le fils de comte ne répondit pas. Ses belles paroles ne le réconfortaient que trop peu. Jungkook posa une main sur son épaule.

- Parlons d'autre chose, ou... faisons autre chose.

Jimin fronça les sourcils. Jungkook se pencha vers lui et commença à lui donner quelques baisers dans le cou.

- J-Jungkook...

- Laisse-toi aller...

Le moins âgé des deux le força à s'allonger. Jimin sentit son cœur battre si fort dans sa poitrine. Encore plus fort que lorsqu'il faisait des efforts physiques. Jungkook s'installa au-dessus de lui, continuant de baiser sa peau. Son corps frémissait. Jungkook retira son haut et continua son supplice, mordant les boutons de chair du dominé. Jimin n'en revenait pas. Jungkook était attiré par les hommes ? Il n'était donc pas le seul, alors. Mais tout de même, il ne voulait pas perdre sa virginité avec quelqu'un qu'il n'aimait pas.

- Jungkook, ce n'est pas une bonne idée.

- Oh que si, tu verras...

Jimin sentit son entrejambe devenir dur. Un gémissement lui échappa des lèvres alors que le plus jeune lui léchait le torse. Puis un raclement de gorge les surpris. Ils se relevèrent tous les deux et découvrirent leur capitaine accroupit à l'entrée de la petite tente. Qu'il était drôle de le voir ici, lui qui ne sortait pratiquement jamais de sa propre tente. Maintenant, les deux jeunes soldats stressaient. Allaient-ils être renvoyés pour s'être touchés ?

- Je n'ai pas autorisé les rapports sexuels dans mon camp, me semble-t-il.

Aucun des deux ne répondit. Ils regardaient le sol, honteux. Jungkook finit par se lever, sortant de la tente. Le capitaine Min regarda une demi-seconde le torse nu du soldat Hua, avant de le dévisager. Jimin vit une expression peu familière sur le visage de son commandant. C'est la première fois qu'il ne fronçait pas les sourcils. Et son regard possédait un sentiment nouveau : la compassion. Le capitaine finit par se lever, quittant le soldat. Jimin se leva à son tour, voulant le rattraper.

- Capitaine !

Mais son supérieur ne se retourna pas. Il allait voir Jungkook au loin, et lui adressa la parole. Allait-il le punir ? Jimin se rhabilla rapidement. Mais lorsqu'il sortit de sa petite habitation, seul Jungkook était là. Il se dirigeait vers lui, d'ailleurs. Il semblait triste.

- Ling, je suis vraiment désolé de t'avoir fait subir tout ça. Il faut dire que je suis un peu en manque...

L'ami de Taehyung et Hoseok se gratta la nuque nerveusement.

- Excuse-moi. Veux-tu bien me pardonner ?

- Bien sûr. Je comprends ce qui t'arrive. Mais, dis-moi... Le capitaine, il ne t'a pas disputé pour ce que tu es ? Enfin, je veux dire, tu sais, ton orientation sexuelle...

- Non, et c'est vrai que c'est étrange. Mais le pire, c'est que je ne suis même pas attiré par les hommes. J'avais juste envie de... baiser. Enfin bref, le capitaine t'attend dans sa tente.

Jimin déglutit. Aucun soldat n'était encore allé dans sa tente. Cela devait être grave. Il s'y dirigea d'un pas lent, prêt à recevoir sa punition, même s'il n'y était absolument pour rien dans toute cette histoire. Ne pouvant frapper contre le tissu, il entra sans autorisation. Son capitaine était assis sur le sol, en tailleur, face à une table, remplis de formulaires et bouteilles d'encre.

- Ah, Hua, je t'en prie assis-toi.

Le jeune soldat s'exécuta. Sa respiration devint irrégulière. Discrètement, il vérifia que sa marque de naissance était bien recouverte d'un pincement. Il ne manquerait plus que son identité soit découverte.

- Tu sais pourquoi je t'ai fais venir, n'est-ce pas ?

- Je pense savoir, oui.

- Jungkook m'a avoué que c'est lui qui avait commencé. Et que tu n'étais pas... consentant. Pourquoi n'as-tu pas crié pour qu'on vienne t'aider ?

Depuis quand le capitaine Min se souciait-il des problèmes des soldats ?

- Je ne voulais pas mettre Jungkook dans une mauvaise posture. C'est mon ami, et je ne voulait pas qu'on découvre ce qu'il était. Enfin, ce que je croyais qu'il était...

- Alors tu aurais subi ses attouchements uniquement pour le sauver ? Uniquement pour ne pas qu'on dévoile au monde entier qu'il est homosexuel ?

- Oui, mon capitaine.

Jimin n'avait pas honte de le dire, vu qu'il était homosexuel lui-même. Son supérieur était outré. Il passa une main sur son visage.

- Hua, je dois t'avouer quelque chose. Nous n'allons pas te garder.

Jimin écarquilla les yeux.

- Quoi ?

- Eh bien, tu es victime d'un complot.

- Oh, s'il vous plaît Monsieur ! Je ferais des efforts, mais je vous en supplie ne me renvoyer pas !

- Je suis navré Ling, mais tu fais ralentir le groupe. Et nous devons avancer. Alors défait ta tente, prends ton cheval et va t'en.

C'est la première fois qu'il l'appelait par son "prénom". Les larmes aux yeux, Jimin se leva et quitta la tente. Il allait rentrer chez lui. Il allait devoir faire face à son père. Il allait devoir se marier à la fille de la cousine de l'Empereur. Il allait revenir à la réalité. Et il ne voulait pas. Le déshonneur s'abattrait sur sa famille à jamais. C'est alors qu'il passa devant le mât. La flèche. S'il l'atteignait, il resterait. Il vérifia qu'il n'y ait personne autour de lui, puis il prit les poids.

- Concentre-toi, Jimin. Repense aux paroles du capitaine.

J'attendrai donc de vous de la discipline et de la force. Alliez les deux et demain, vous survivrez.

Et alors, ce fut l'illumination. Les deux poids. Ils représentaient la force et la discipline. Et il fallait allier les deux. Jimin fit balancer les poids autour du mât, faisant une boucle pour les allier comme disait le capitaine. C'est ce qui l'aiderait à soutenir son propre poids. Il posa un premier pied contre le mât de bois, et commença à monter. Lorsqu'il eut dépassé les deux mètres, il sourit. Il continua de monter vers le ciel, fixant la flèche. Il y était presque. C'est alors que son pied glissa. Jimin tira sur les poids de toutes ces forces pour ne pas tomber. Son cœur battait la chamade. Jimin, je refuse que tu tombes si près du but. Il pensa alors à son père. Serait-il fier de lui en le voyant ainsi ? Il transpirait à grosses gouttes, tirant sur les poids pour se relever. Un pied après l'autre, il achemina sa course, et il s'assit en haut du mât. Quelle vue imprenable il avait.  Le soleil se couchait à l'horizon, baignant le camp d'une couleur orangée. Il pouvait voir Jungkook qui mangeait sa ration, seul devant sa tente. Il était seul tout là-haut, mais il avait l'impression d'être libre, de n'avoir aucune contrainte.

- Regardez ! Ling a réussi à atteindre la flèche !

Les centaines de soldats s'amassèrent devant le mât. Devant tout ce boucan, le capitaine Min sortit et découvrit lui aussi, à sa grande surprise, l'accomplissement du soldat Hua. Ce dernier souriait, si fier d'avoir enfin sa reconnaissance. Il retira la flèche du mât, et l'envoya à ses pieds. Le capitaine récupéra la flèche avant qu'elle ne se plante dans le sol. Jimin se laissa glisser le long du mât, avant de reprendre son équilibre. Ses camarades le félicitèrent, l'applaudissant à son passage. Mais seul le capitaine Min comptait pour lui. Il se dirigea vers lui en courant, pressé de connaître ses sentiments sur ce qu'il venait de se passer.

- Alors ? demanda le jeune garçon, essoufflé. Est-ce que je peux rester ?

La capitaine fit mine de réfléchir, mais sa décision était déjà toute prise.

- Oui. Mais alors, pas d'autres faux pas.

- Je vous le promets.

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