3ème mois
Le temps passait à une vitesse folle. Depuis un mois, je me sentais barbouillée et nauséeuse. Mon appétit était variable, passant d'une faim de loup à un écœurement total des aliments. Je vomissais aussi de plus en plus régulièrement, estomac plein ou non. J'avais dus chopper un virus assez coriace, mais ayant une sainte horreur des médecins, j'avais préféré laisser couler. Après tout, j'avais un système immunitaire, alors autant le faire travailler comme il se doit. Malheureusement pour moi, mes symptômes persistaient et, après avoir renvoyé un énième repas que j'avais mis des heures à préparer, je pris la décision d'aller consulter. J'avais alors appelé un médecin qui m'avait donné rendez-vous l'après midi même.
La matinée passa à une vitesse folle. Bon, il faut dire aussi qu'étant barbouillée, je m'étais rendormie et ne m'étais réveillée qu'au moment de partir. J'avais enfilé un jean, constatant par la même occasion qu'il commençait à légèrement me serrer les cuisses. Cela devait être un signe que je devais me mettre au sport. Après tout, je n'étais plus toute jeune, et à vingt quatre ans passé, je n'éliminais plus aussi rapidement qu'avant. Me sentant encore vaseuse, j'attrapais simplement une pomme avant de claquer la porte de l'appartement. Je fis un crochet par ma boite aux lettres, jetant les publicité et ouvrant précipitamment les factures. Je grimaçais au vu des montants astronomiques de ces dernières. Le peu d'aide que je touchais ne couvrant pas la moitié de la somme, j'allais encore devoir demander de l'aide à mon père. Ce qui ne m'arrangeait pas le moins du monde.
Je rangeais le courrier à la va vite dans mon sac à main avant de sortir de l'immeuble. Le froid de Janvier me transperça, cherchant à s'insinuer dans la moindre parcelle de peau à découvert. Je resserrai ma doudoune autour de moi tout en ajustant ma capuche et me dirigeai au pas de course vers le cabinet médical. J'arrivais devant une bonne dizaine de minutes plus tard, essoufflée, les cheveux en bataille et frigorifiée. Je m'installais dans la salle d'attente où se trouvait déjà trois personnes. Il ne me restait plus qu'à prendre mon mal en patience, et pour se faire, je m'octroyais une petite session de démineur sur mon téléphone.
Mon tour arriva enfin. Heureusement, car je venais d'épuiser la moitié de ma batterie dans des activités plus stupides les unes que les autres. Après avoir fini ma partie, j'étais allée faire un tour sur les réseaux sociaux, juste par curiosité, et de fil en aiguille, j'avais atterrie sur un article parlant des dernières découvertes astronomique, ce qui m'avait ensuite amené vers la meilleure manière de reconnaître la grande ours et la petite ours. De là, j'étais ensuite cliqué sur un article décrivant les signes astrologiques, puis j'avais vérifié quel était mon signe chinois avant de télécharger un jeu de cuisine, soit dit en passant très prenant, qui était apparu au beau milieu de mon écran. Ce qui m'amenais donc à n'avoir plus que la moitié de ma batterie restante. J'entrais alors, suivi du médecin qui m'invita à m'asseoir. Je lui décrivis alors précisément mes symptômes en n'omettant aucun détail.
-Depuis combien de temps les ressentez-vous?
-Heu je ne sais pas exactement, un peu plus d'un mois. Ça doit être un coriace ce virus.
L'homme me demanda alors d'aller m'allonger et regarda mes agmydales, mes oreilles, mes yeux, prit ma tension avant d'écouter mon coeur et ma respiration. Il tapota ensuite mon ventre, le contorsionnant dans tous les sens avant de froncer les sourcils. Sans un mot, il me fit signe de venir me rasseoir dans son bureau. Une fois installés, il reprit la parole.
-Tout semble en ordre du point de vue médical, mais afin d'écarter toutes probabilité, j'aimerai savoir quelle est la date de vos dernières règles?
Je clignai des yeux. Pourquoi voulait-il savoir ça? Je réfléchissais tout de même à sa question. Mais plus j'y me triturais les méninges, plus je sentais la panique me submerger. J'ouvris la bouche, puis la refermai, et ce plusieurs fois d'affiler. J'avais certainement l'air d'être un poisson hors de l'eau mais peu importe. Mon silence devait avoir répondu pour moi puisque le médecin commença à griffonner sur une de ses feuilles de prescription.
-Vous allez faire ces prises de sang le plus rapidement possible. Dès que vous aurez les résultats revenez me voir.
Je me retrouvai dehors, la feuille dans les mains. Non, non, non....Ce n'était pas possible je n'avais pas couché depuis...depuis...merde...merde, et merde.
-Et merde! Criai-je en passant une main sur mon front,
La vieille dame qui passait à côté de moi à ce moment là sursauta. Je m'excusai platement avant de fuir vers la pharmacie la plus proche. J'y achetai trois tests de grossesse et pris le chemin vers le laboratoire. Pourvu que ce ne soit pas ça...
Le troisième carton tomba sur le sol de ma salle de bain rejoignant ainsi ses confrères éventrés. Je retirai le capuchon et le déposai dans mon récipient d'urine.
-Allez allez allez...
J'avais peu d'espoir évidemment. Plus que cinq minutes à attendre. Cinq putain de minutes avant de confirmer que ma vie était foutue en l'air. Vous savez ce que c'est cinq minutes? C'est trois cents secondes. Et les miennes, à ce moment là, semblaient être chacune formée de milliards d'autres secondes.
Je suffoquais. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. Il allait finir par se briser, j'en étais certaine. Enfin le résultat s'afficha. «Enceinte. ± 3 semaines », Je fus soulagée l'espace d'un instant, avant de réaliser que je n'avais pas eu de rapport dans les trois dernières semaines. A la réflexion, je n'en avais pas eu depuis bien plus longtemps. Depuis...depuis...Depuis trois long mois. Mon sentiment de soulagement s'envola alors, laissant place à une panique grandissante.
A quoi je m'attendais après tout? «Coucou je suis Jesus et j'ai décidé d'hiberner dans ton utérus car bon l'hiver est rude, mais t'inquiètes pas hein, je suis arrivée que depuis deux jours.» Non évidemment, ce locataire sauvage était là depuis trois mois. Je me ruai sur mon téléphone afin de vérifier les délais d'avortement. Soit j'étais ric-rac, soit c'était foutu. Merde, qu'allais-je faire? Qu'allais-je devenir?
Je laissai tomber mon téléphone et me recroquevillai sur moi-même. J'étais minable. Lamentable. Pathétique. Bravo Marion. Chapeau bas. J'essuyai les quelques larmes qui coulaient sur mes joues et respirai un bon coup. Il fallait que je fasse le point.
Dans le meilleur des cas, le test se trompait un peu et je pourrai avorter, et là hop ni vu ni connu. Dans l'autre cas...J'étais au chômage. Mes indemnités arrivaient à leur fin. Je devais faire appel à mon père quasiment chaque mois pour qu'il paye mes factures et mon loyer à ma place. Je n'avais pas de compagnon sur qui m'appuyer. Je n'étais qu'un déchet de la société....Qu'est ce que j'allais devenir? Comment élever cet enfant seule? Je pourrais peut-être donner naissance sous X...On lui trouvera alors une famille aimante...ou il finira à la DDASS ballotté de famille d'accueil en famille d'accueil... Et puis aurais-je la force d'abandonner ce bébé? Je n'en savais rien. J'étais paumée, complètement paumée.
Instinctivement, je composai le numéro d'Alice.
-Humm...Marion? Il est deux heures du matin, qu'est ce qu'il se passe?
Merde...Avec tout ça je n'avais pas vu l'heure défiler. Il fallait que je trouve une excuse et vite, je ne pouvais lui demander de passer à cette heure-ci...Même si j'étais en pleine crise existentielle, cela devra attendre demain matin.
-Ho...Désolée Alice, mon téléphone t'a appelée tout seul. Rendors-toi. Bonne nuit...Désolée...
-Hum...pas grave...Bonne nuit Ma...
Elle avait raccroché. Mon cœur tambourina dans ma poitrine tandis que je me recroquevillai une fois de plus. Un râle rauque sorti de ma gorge, suivi d'un, deux, trois soubresauts, et les robinets se rouvrirent. Je me traînai jusque sous ma couette sans prendre le temps de me déshabiller. Ce ne fut que plusieurs heures plus tard que je m'endormis d'épuisement, la source de mes yeux complètement tarie.
Mon sommeil fut agité cette nuit-là avec plusieurs réveils plus ou moins long. Je ne pouvais m'empêcher de cogiter, ressassant les événements de ces trois derniers mois. Excédée, je fini par me résoudre à me lever et entrepris de retourner mon appartement à la recherche d'un morceau de papier spécifique. Au bout d'une heure je mis enfin la main sur ce dernier, qui était tout simplement au fond de la poche intérieur de mon manteau. Cela faisait trois mois que je n'avais pas revu ce mec. Je ne savais même pas son nom. Devais-je l'appeler? Il devait certainement avoir son mot à dire? Mais d'un autre côté, il n'était certainement pas le plus apte à élever un enfant. Du moins, de ce qu'il m'avait montré ce fameux jour. J'avais hésité un moment avant de finalement renoncer à l'appeler. Mon instinct me disait que je risquais plus d'ennuis qu'autre chose à le recontacter.
J'avais passé le reste de la nuit devant la télé, ne sachant quoi regarder pour m'occuper l'esprit. Ainsi, je me retrouvais dès huit heures devant mon pc à recharger la page du laboratoire en quête de mes résultats d'analyses. Ces dernières apparurent enfin à l'écran et je les imprima afin de les étudier une première fois moi-même. J'eus besoin de faire quelques recherches sur internet pour comprendre la différence entre semaines aménorrhées et semaines de grossesse, mais une fois l'information en tête, je pus rapidement prendre conscience de l'étendue du problème.
D'après ces résultats, ce dernier semblait dater de trois mois. Ce n'était pas une grande surprise en soit, j'avais fais de brefs calculs, et même si je n'étais pas vraiment sûre de moi, j'avais estimé ne pas avoir eu mes règles depuis trois-quatre mois environ. Mais j'aurais aimé que se ne soit pas le cas. Je rappelai donc mon médecin qui me donna le nom d'un gynécologue à aller voir dans l'immédiat. Il se chargea alors de le contacter afin qu'il me prenne en urgence. Je n'avais plus qu'à me présenter à son cabinet dans deux heures. Je me préparais donc, un peu déconnectée de la réalité et descendit prendre le bus.
Je faisais les cent pas devant la porte du gynécologue depuis déjà une demi-heure quand celle-ci fini par s'ouvrir. Une jeune femme en sorti rapidement. Je le retrouvais face à un homme d'une cinquantaine d'années, assez petit, bedonnant et les cheveux grisonnant, qui me fit alors entrer.
-Bonjour, alors j'ai bien reçu votre dossier. Allongez-vous sur la table, je n'ai pas beaucoup de temps avant mon prochain rendez-vous, alors j'aimerais qu'on ne tarde pas.
Je m'exécutai, un peu sous le choc de son ton pressé. Je soulevai mon tee-shirt jusque sous mes seins et il fit passer un sopalin entre ma peau et mon pantalon, certainement pour ne pas me salir les vêtements avec le gel d'échographie. Ce dernier était froid et collant. Ce n'était pas une sensation très agréable.
Le gynécologue continua son examen en plaçant sur mon bas ventre la sorte de roulette. Instantanément, l'image de ce bébé apparut à l'écran. Je détournai le regard, ne voulant pas le regarder, mais la curiosité s'empara de moi. Ce que je vis me subjugua. La 3D me montrait chaque partie de son corps encore peu formé, mais voir son cœur battre, l'entendre, voir ce petit être lové dans mon utérus me retourna le cœur. J'en avais le souffle coupé, prenant conscience de ce qui grandissait en moi. J'étais impressionnée de ce que la nature pouvait créer en à peine trois mois, de ce que mon corps pouvait créer en à peine trois mois.
Cette fusion entre un homme et une femme. J'imaginais alors le chemin qu'avait parcouru la moitié de cet être pour rencontrer celle qui la compléterait. J'imaginais les cellules qui s'étaient peu à peu multipliées, puis de cet amas de cellules le cœur qui soudainement s'était mis à battre, doucement, hésitant, puis de plus en plus rapidement. Le cerveau qui s'était créé, donnant déjà ses consignes de part et d'autre de cette orgie de cellules. Les larmes me montèrent alors aux yeux.
L'examen se termina bien plus rapidement que je ne l'avais imaginé. Moi qui pensais vivre un enfer, je m'en retrouvais bouleversée et complètement perdue. Qu'est ce que je devais faire? Qu'est ce que j'allais faire? Je n'avais pas trente-six mille options, ce qui certes ne me facilitait pas la tâche, mais avait au moins le mérite de ne pas m'éparpiller dans des scénarios rocambolesques.
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